Plongez dans l’histoire méconnue de Johann von Leers, idéologue nazi, converti à l’islam, ami du Grand Mufti de Jérusalem et conseiller de Nasser.
Fasciné par les idées nationalistes et racialistes, l’obsession de Von Leers le conduisit à devenir une figure clé de la propagande nazie, puis un acteur majeur de la lutte anti-juive dans le monde arabe.
Johann von Leers, né en 1902 dans une famille de Junkers déchue et grandit dans une Allemagne en déclin après la 1ère Guerre mondiale. Autrefois nobles terriens, sa famille fut balayée par les bouleversements, nourrissant en lui une soif de revanche qui allait sceller son destin.
Leers étudia le droit et l'histoire à Berlin s'engageant vite dans les cercles nationalistes et völkisch prônant la pureté raciale et le nationalisme revanchard. Influencé par des groupes paramilitaires comme le Bund Wiking, il se lança pleinement dans ce réseau idéologique.
En 1929, à 27 ans, Johann von Leers rejoignit le NSDAP, où il monta vite en grade. Il devint une voix influente de l’aile radicale, proche des frères Strasser, leaders de l’aile gauche du parti, et s’entoura de théoriciens ésotériques et antisémites.
Au début des années 1930, alors que la dictature hitlérienne s'installait, Leers se fit connaître par ses pamphlets. Son texte "Juden sehen dich an", diffusé par le ministère de la Propagande de Goebbels, dépeignait les Juifs comme une menace contrôlant médias et économie.
Leers, fasciné par le Moyen-Orient et l’islam, qu’il voyait comme un allié naturel contre les juifs, publia en 1939 Islam und Judentum – Zwei unversöhnliche Gegensätze, affirmant que les deux religions étaient opposées et que l’islam avait freiné la "conquête juive" de l'Orient.
« L'hostilité de Mahomet envers les juifs a eu une conséquence : les juifs d’Orient ont été totalement paralysés (…) Repoussés dans la saleté des ruelles du mellah, les juifs ont mené là une vie misérable ».
« Ils ont vécu sous une loi spéciale, celle d'une minorité protégée, contrairement à l'Europe. Si le reste du monde avait adopté une politique semblable, nous n'aurions pas de question juive (Judenfrage) »
À cette époque, l'Allemagne nazie tissait des liens avec des mouvements islamiques. Himmler et les SS cherchaient à former des divisions musulmanes. C'est dans ce contexte que von Leers rencontra Haj Amin al-Husseini, le Grand Mufti de Jérusalem.
Haj Amin al-Husseini, figure clé de la lutte arabe contre le sionisme et ancien Grand Mufti de Jérusalem, devint un allié majeur du régime nazi. En 1941, il se rendit en Allemagne, où il rencontra Hitler, Himmler et d'autres hauts responsables du Troisième Reich.
Haj Amin déclara notamment : « Les principes de l’islam et du nazisme sont très proches, en particulier dans leur affirmation des valeurs du combat et de la fraternité d'armes, dans la prééminence du rôle du chef, dans l'idéal d'Ordre ».
Cette alliance reposait sur un objectif commun : empêcher la création d'un foyer juif en Palestine, alors sous contrôle britannique. Leers, observant de près ces événements, vit en al-Husseini un modèle : un leader non-européen engagé dans une lutte acharnée contre les Juifs.
Leers et al-Husseini partageaient la conviction que l’islam et le nazisme pouvaient s’allier. Al-Husseini soutint la formation d’unités SS musulmanes dans les Balkans, impliquées dans des massacres de Juifs et de Serbes.
Après la défaite nazie, Johann von Leers chercha à fuir les Alliés. Capturé en 1945, il s’évada et rejoignit l’Italie, puis, avec l’aide des réseaux nazis, trouva refuge en Argentine, comme beaucoup de criminels de guerre.
À Buenos Aires, il rejoignit la communauté nazie en exil et reprit son rôle de propagandiste. Rédacteur pour Der Weg, une revue reliant les nazis en Amérique latine aux néo-fascistes en Europe, il y mêlait antisémitisme virulent et soutien aux mouvements de libération arabes.
En Argentine, Leers loua des figures comme Gamal Abdel Nasser, qu’il surnommait le "Lion de Suez". Il écrivit aussi en faveur du FLN algérien, qu’il voyait comme un mouvement de libération nationale anti-colonial et un allié naturel dans la lutte contre le sionisme.
En 1956, après la chute de Perón, von Leers quitta l'Argentine à l'invitation du Grand Mufti pour s'installer en Égypte. Sous Nasser, qui avait renversé la monarchie et nationalisé le canal de Suez, l’Égypte menait la lutte contre Israël et les puissances coloniales.
Leers arriva au Caire en 1956, accueilli chaleureusement par Nasser et Al-Husseini. Le Mufti, fidèle à leur amitié, l'incita à se convertir à l’islam, une démarche que Leers accepta avec enthousiasme.
Lors de son discours de bienvenue au Caire, le Grand Mufti salua von Leers avec des mots glaçants : « Nous vous remercions de participer à la bataille contre les forces du Mal incarnées par les juifs du monde entier. »
En 1957, il prit le nom d’Omar Amin en hommage à Al-Husseini et devint un conseiller influent du gouvernement égyptien. Cette conversion n’était pas qu’un geste politique : pour Leers, l’islam offrait un cadre religieux et moral pour poursuivre son combat antisémite.
Nommé à la tête de la section "Étranger" du ministère de l'Information, il prit en charge la propagande anti-israélienne, orchestrant des émissions de radio, des publications et des discours publics pour diffuser son message.
Il joua un rôle déterminant dans la diffusion des Protocoles des Sages de Sion en langue arabe, convaincu que ce texte pouvait servir d’arme puissante dans la guerre idéologique contre le sionisme.
La diffusion des Protocoles des Sages de Sion en arabe eut un impact majeur, devenant un best-seller pendant des décennies. La charte du Hamas s’en inspire encore aujourd'hui, l'utilisant pour justifier sa lutte contre les Juifs en Palestine et dans le monde
Sous Nasser, Leers contribua à la création de l’Institut pour l’étude du sionisme, supervisant la propagande anti-israélienne. Il utilisa des arguments religieux et politiques pour mobiliser les populations arabes contre l'État d'Israël naissant.
La transformation de l'antisémitisme en haine d'Israël faisait partie intégrante du projet panarabe de Nasser. Il visait à canaliser l'antisémitisme présent dans le monde arabe vers un nationalisme anti-israélien, renforçant ainsi l'unité arabe dans la lutte contre l'État hébreu.
Johann von Leers, alias Omar Amin, mourut en 1965, mais son héritage perdure. Il a été le pont entre le nazisme et l'islamisme radical, transformant l'antisémitisme nazi en haine antisioniste, une rhétorique toujours vivante aujourd'hui, y compris à l’extrême-gauche en Occident.
L'antisionisme, adopté par le nationalisme arabe et largement diffusé par l'URSS, est aujourd'hui repris par certains militants, même « antifascistes ». Savent-ils que cette rhétorique trouve ses racines chez un ancien SS proche de Goebbels ?