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jeudi 28 janvier 2021

Beur FM sanctionne deux animateurs après une rencontre avec l’ambassadeur d’Israël

Rose Ameziane et Malik Yettou, animateurs de « L’Actu autrement » sur Beur FM, préparaient une émission sur l’accord de normalisation entre le Maroc et Israël. La direction de la radio les a immédiatement sanctionnés.

« On avait fait le choix de proposer une émission de débat ouverte et sans tabou, aujourd’hui c’est la stupéfaction et le dégoût... » Malik Yettou, co-animateur avec Rose Ameziane de l'émission « L’Actu autrement », sur Beur FM, n’est pas près d’oublier cette journée de fin décembre où un mail de la directrice de leur radio tombe sur la messagerie de Rose : « Pour votre information à tous deux, l’émission ne sera pas reconduite à la rentrée et ce pas avant un bon debrief de notre ligne éditoriale. »

En cause : un tweet, avec photo, de l’ambassade d’Israël remerciant les deux présentateurs pour l’échange sur le récent accord de normalisation entre le royaume du Maroc et Israël. Contactés auparavant par le porte-parole de l'ambassade, ils réfléchissaient à la préparation d’une « spéciale » sur un événement qui pouvait intéresser les auditeurs, à plus forte raison les Franco-marocains. « À travers cet accord, il s’agissait d’explorer la possibilité d’un dialogue, d’un vivre-ensemble entre Israéliens et Marocains, entre juifs et arabes, c’est tout de même important ! Quels étaient les risques ? Contrarier une dizaine d’antisémites ? Sommes-nous, nous-mêmes, victimes d’antisémitisme par ricochet ou d’une ingérence étrangère algérienne pour éviter de parler du Maroc ? » s’interroge Rose Ameziane.




https://twitter.com/israelenfrance/status/1341731047608897536?s=21


En contactant Beur FM, le porte-parole de l’ambassade avait été clair : « Il est exceptionnel que des relations se nouent entre juifs et arabes et cette situation peut avoir un impact en France, explique-t-il à Marianne. J’ai proposé de venir parler de cet accord mais aussi d’autres questions s’ils le souhaitaient, notamment du conflit israélo-palestinien. » Pour préparer l’émission, une rencontre est donc prévue à l’ambassade. « Un échange agréable » signale ensuite le tweet israélien, « une rencontre enrichissante et instructive, un accord annonciateur de paix et de prospérité » signale, en réponse, celui de Malik Yettou tandis que Rose Ameziane écrit : « échanges passionnants, nous avons abordé le récent accord entre Israël et le Maroc et les belles perspectives à venir pour ces deux pays. »

"JE ME SUIS FAIT MENACER ET TRAITER DE “BOUGNOUL DE SERVICE”

Les deux optimistes vont être douchés par la réaction de la directrice qui pourrait traduire le malaise de certains médias communautaires quand surgit la question fatidique : la relation avec Israël, et, partant, avec les juifs. C'est en tout cas l'analyse des deux intéressés. « La directrice a cédé aux pressions de cette minorité agissante sur les réseaux sociaux qui se revendique antisioniste mais qui, en réalité, est antisémite, analyse Malik Yettou. En général on ne parle d’Israël qu’à travers le prisme du conflit avec les Palestiniens. Pourtant, il y a en France une forte communauté maghrébine et une forte communauté juive. La symbolique d’un tel accord peut jeter des passerelles. Sur les réseaux sociaux, je me suis fait menacer et traiter de“bougnoul de service”. Apparemment, ça ne choque pas les antiracistes... On a été, en plus, attaqués par une autre radio communautaire Je ne supporte plus cette indignation sélective. On parle toujours de la Palestine mais organise-t-on des manifestations pour les Rohinghas ou les Ouighours ? Ceux qui nous insultent veulent alimenter une haine contre la communauté juive avec cet éternel bruit de fond antisioniste. On peut penser ce qu’on veut du conflit mais je suis Français et je refuse qu’on l’importe dans mon pays. »


Rose Ameziane confirme : « Cette radio se dit apolitique et laïque, elle prétend prôner le vivre-ensemble. Or les quartiers ne sont pas monolithiques mais on les aborde avec un logiciel, des frilosités et des détestations qui datent des années 1980. On ne peut pas dire en même temps qu’il n’y a pas assez de personnes représentatives de la diversité sur les plateaux et interdire l’antenne à cette même diversité sur sa propre antenne. C’est une trahison idéologique et humaine vis-à-vis des auditeurs. »  La jeune femme précise : « Nous ne voulons pas jeter l’anathème sur des salariés ou des animateurs qui font du bon travail  mais sur une partie de la direction qui mène une ligne éditoriale pour le moins contestable. »

LA DIRECTION SE DÉFEND

Sollicitée par Marianne, la directrice de Beur FM Djima Kettane conteste cette version : « Il n'y a eu aucune réaction de la direction après cette rencontre. Aucune sanction. Les intervenants sont libres de rencontrer qui ils veulent. On aurait préféré que ce soit un journaliste qui se déplace dans une ambassade et non des animateurs. D'ailleurs, une émission devrait avoir lieu sur ce thème. Elle se déroulera en direct, ce qui n'était pas le cas pour "L'Actu autrement". On privilégie un dialogue sans filtre avec les auditeurs. »  De son côté Rose Ameziane précise : « Nous n'avons jamais refusé de direct. »

L’émission sur la normalisation Israël-Maroc n’a en tout cas pas eu lieu. Après un espoir d’apaisement et plusieurs échanges, « L'Actu autrement » a repris le 15 janvier sur le thème de l’inceste. Puis on a informé les animateurs que l’émission serait déplacée et diffusée le samedi matin, à une heure de plus faible audience (au lieu du vendredi à 17 heures jusque-là). « On a compris qu’on gênait. Parce qu’on refuse de pratiquer l’entre-soi. Pourquoi devrait-on être unis, en fonction de nos origines, par le même mode de pensée ? » s’insurge Rose Ameziane. « Ces radios communautaires sont obligées d’être propalestiniennes alors que dans la communauté maghrébine, tout le monde n’a pas la même opinion sur le conflit » constate son co-équipier. 

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