Éric Zemmour n’a jamais fait mystère de ses origines, tant juives que séfarades, tant algériennes que berbères. Dernièrement encore, lors du meeting de Villepinte, le candidat à la présidentielle s’offusque qu’on le traite de raciste et proclame : « Moi, le petit juif berbère, venu de l’autre côté de la Méditerranée. » Mais, quelle sorte de juif est-il ? Selon Olivier Pardo, son avocat, « Éric est très traditionnaliste, il fait le shabbat, ses enfants ont célébré leur bar-mitsva[1]. » Éduqué dans la tradition juive, Éric Zemmour dit cependant au Point[2], en 2014, ne pas croire en Dieu, même s’il suit rigoureusement les rites du judaïsme. Le journaliste Etienne Girard précise qu’il fait la prière du shabbat avec son épouse et ses enfants. Il lit un passage de la Torah, en début de repas et il ne répond pas aux SMS le vendredi à la nuit tombée, car il respecte l’interdit de l’utilisation des appareils électroniques. Enfin, le samedi, tout au moins jusqu’au décès de son père en 2013, Éric le rejoint régulièrement à la synagogue, rue Vauquelin[3].
Il n’appartient pas à l’auteur de cet article de jauger/juger de la manière dont il pratique sa religion. Il nous paraît plus intéressant d’observer comment il parle des Juifs, qu’est-ce qu’il en dit, globalement ? Malgré les difficultés pour regrouper tout ce matériel qui est disparate et suivre la complexité de sa pensée, nous allons essayer de rassembler les éléments qui permettent de comprendre son positionnement.
Que dit Éric Zemmour des Juifs en France ?
« Je ne crois pas aux communautés, je ne crois qu’à la communauté nationale. Je ne crois qu’à des citoyens français de confession juive, c’est comme ça que je me considère » explique Éric Zemmour au journaliste Frédéric Taddeï, sur la chaîne de télévision franco-russe RT France[4]. Lors d’une autre émission, le polémiste affirme : « Il n’y a pas non plus de Juifs en France, il y a des Français de confession juive. C’est comme cela que je l’entends[5] ».
Pour comprendre, il faut revenir sur l’interprétation qu’il fait de l’histoire de l’émancipation des Juifs en France.
Éric Zemmour s’attarde souvent sur le discours sur l’assimilation qui avait été prononcé par le comte Stanislas de Clermont-Tonnerre, qui prend position pour l’accession des Juifs à la citoyenneté, le 23 décembre 1789. Il cite fréquemment cette phrase : « Il faut tout refuser aux Juifs comme nation et tout accorder aux Juifs comme individus ». Il s’agit là de son vrai référentiel, lorsqu’il veut dénoncer le communautarisme. Par exemple, le 23 septembre 2021, en débat avec Jean-Luc Mélenchon, sur BFM-TV, il dit vouloir « imposer » à la « religion islamique[6] exactement la même chose que ce que la France a imposé aux Juifs, selon la fameuse formule de Clermont-Tonnerre… C’est tout, toutes mes idées, tout mon projet », affirme-t-il[7]. Pareillement, le polémiste évoque souvent la convocation en séance solennelle à Paris, le 9 février 1807, du grand Sanhédrin[8], par Napoléon. Il faut rappeler ce qu’il écrit dans Le suicide français[9]. Tant cet épisode de notre histoire, l’imprègne :
« Les lois nationales et religieuses du peuple juif étaient abolies ; les lois religieuses se transformaient en lois confessionnelles d’individus libres de les respecter ou pas ; les Juifs n’étaient plus en “exil”, mais, s’agrègent au “corps du peuple français”. Les Juifs devenaient israélites. Napoléon ne fut pas ingrat : partout où la Grande Armée passa, les ghettos s’ouvrirent et les Juifs furent invités à devenir citoyens de l’Empire ».
Éric Zemmour oppose-t-il les Juifs entre eux ?
Dans Le suicide français, le polémiste d’extrême-droite s’attarde sur ces Juifs allemands, polonais, russes, « qui n’avaient pas intériorisé toutes les rigueurs de l’État-nation à la française ». La description qu’il en fait est assez rude et elle est même méprisante. Il décrit ces Juifs qui, « lorsqu’ils sortaient du ghetto, devenaient socialistes, communistes, sionistes, sautant l’étape israélite de “l’État-nation” ». Des ashkénazes[10], dont il nous dit qu’ils débarquent en masse en France, dans les années 1930, et qui peuvent être fraîchement reçus par la population, « pour de mauvaises raisons » et « de moins mauvaises », en raison des « trafics en tous genres, fortunes rapides et ostentatoires, affaire Stavisky ».
Voilà un raccourci de plus d’Éric Zemmour qui, décidément, affectionne de parler d’histoire en deux ou trois pages (seulement) et, en émaillant régulièrement ces propos de citations diverses. La réalité est beaucoup plus complexe. Comme si les ashkénazes, souvent pauvres, travailleurs miséreux mais sobres et solidaires, se livraient forcément à des trafics ? Ces artisans casquettiers, ces ouvriers fourreurs, ces maroquiniers, mènent à Paris une vie difficile. Pour autant, les Juifs ashkénazes connaissent une vraie histoire d’amour avec la France et ils manifestent un fort sentiment patriotique. Leurs enfants fréquentent l’école laïque où les instituteurs soucieux d’égalité veulent en faire des Français comme les autres.
Invité en 2016 à débattre à la synagogue de la Victoire, à Paris, aux côtés de Gilles Bernheim, ancien grand rabbin de France, Zemmour prononce ces paroles tranchantes, saupoudrées d’accusations lancées contre les ashkénazes, notamment par certaines ligues antisémites, dans les années 30 :
« À l’époque, on estime que les Juifs ont pris trop de pouvoir, qu’ils ont trop de puissance, qu’ils dominent excessivement l’économie, les médias, la culture française comme d’ailleurs en Allemagne et en Europe. Et d’ailleurs c’est en partie vrai […] Il y avait des Français qui trouvaient que les Juifs se comportaient avec une arrogance de colonisateur. Et arrive encore l’immigration des Juifs d’Europe de l’Est et de l’Allemagne. La France est le pays qui a reçu le plus de réfugiés. Et c’est la France qui a subi le plus de conséquences. Les médecins français se plaignaient que les médecins juifs leur volaient leur clientèle. Il y avait des concurrences terribles. Il y avait des trafics. Il y avait l’affaire Stavisky. Tout ça n’a pas été inventé par les antisémites. Et les Juifs français étaient les premiers à se plaindre des problèmes que causaient les Juifs ashkénazes[11] ».
Pareillement, Éric Zemmour continue d’opposer les Juifs français et les Juifs d’Algérie du décret Crémieux[12] aux Juifs ashkénazes – et aux Juifs marocains et tunisiens – « que tout séparait, sauf leur expérience historique impériale, qu’elle fût Habsbourg, Romanov ou ottomane. Or, les ashkénazes tenaient les institutions officielles, quand les Marocains, plus pieux, investissent les synagogues ». Dans une interview qu’il accorde au magazine France catholique, le 14 novembre 2018, Éric Zemmour continue de distinguer les Juifs d’Algérie, de ceux du Maroc et de Tunisie :
« Je suis en France, je suis Français. Mes parents adulent la France, ils lui portent une véritable vénération, et mes grands-parents aussi. Rien d’original chez les Juifs d’Algérie. Alors que ceux de Tunisie ou du Maroc se moquent du patriotisme passionné de leurs coreligionnaires d’Algérie ».
Dans le suicide français (p. 263) Zemmour distingue encore les premiers, des derniers et écrit :
« En 1962, à l’indépendance de l’Algérie, la quasi-totalité des Juifs, qui vivaient pourtant en Algérie depuis des siècles, choisit sans hésitation de suivre le sort tragique des pieds-noirs dans leur exil en France métropolitaine. En 1948, la masse déshéritée des Juifs marocains, s’était, elle, rendue en Terre promise. »
Dans les quelques exemples que nous venons de citer, seuls les Juifs d’Algérie et les Juifs français trouvent grâce à ses yeux.
Éric Zemmour, Auschwitz et Israël ?
Pour Éric Zemmour, le modèle de l’Israélite a perduré jusqu’au « grand chamboulement coïncidant avec Auschwitz » (terme qu’il préfère à celui de Shoah). Dans Le suicide français (p. 261), il explique :
« Les survivants et leurs héritiers revinrent en France en 1945, brisés par la persécution, non sans une pointe de ressentiment non seulement contre Vichy, mais aussi contre la police française qui les avait arrêtés et, plus profondément contre le modèle assimilationniste qui les avait rejetés avec hauteur, et ces israélites français de vieille branche qui les avaient méprisés et qu’ils accusent à demi-mot de les avoir “donnés” pour prix de leur sauvegarde. »
Reste, l’épineuse question de la création d’Israël.
Selon lui, Israël aurait entraîné une défrancisation liée justement à l’attachement qu’éprouvent les Juifs pour l’État hébreu. « Nous sommes sortis de l’israélisme de la Victoire[13] ». Seulement voilà. Éric Zemmour oublie que l’on peut être un citoyen modèle, aimer passionnément la France et se sentir lié à Israël, sans que cela n’entraîne de contradiction, sans que cela n’entraîne aucun dommage. Les juifs français sont viscéralement attachés à la France et à ses valeurs.
Il en est de même pour les Français ayant des origines arméniennes, par exemple. Ils sont attachés à l’Arménie aussi et vivent au rythme de l’actualité arménienne, d’une histoire, d’une langue, d’une culture.
Éric Zemmour est-il sioniste ?
Le journaliste Benjamin Petrover qui anime « Les Grandes Gueules Moyen-Orient », sur I24News, invite Éric Zemmour. Lors de cette émission, il lui demande s’il est sioniste. Éric Zemmour répond :
« Non, si on considère que le sionisme, c’est la volonté de tous Juifs de vivre en Israël et de se rassembler dans ce que l’on appelle le peuple Juif. Je ne suis pas sioniste. Moi, je suis membre du peuple français. Je suis selon la célèbre formule de Napoléon au Sanhédrin, en 1807, je suis agrégé au peuple français. Donc, dans ce sens-là, je ne suis pas sioniste. Maintenant si c’est ne pas défendre le droit d’Israël à exister, à se défendre, etc., oui, ça, là effectivement, ce n’est pas la même chose. Je ne suis pas antisioniste. Vous voyez. Mais, ce n’est pas ma philosophie, mon esprit. Moi, je suis un citoyen français. Je n’ai qu’une allégeance, l’allégeance à mon pays qui est la France[14] ».
Au-delà, Éric Zemmour s’exprime peu sur Israël, outre que par le prisme de l’analyse politique, sans pour autant jamais s’être opposé frontalement au pays ou à ses politiques. Par exemple, lorsqu’il est l’invité de I24News, le 3 novembre 2021, on lui demande s’il croit en la solution à deux États.
Il répond :
« Non. Je pense que c’est une logorrhée dépassée. Je pense que la diplomatie Française s’accroche à une stratégie qui avait sans doute son intelligence politique dans les années 60-70, mais qui est aujourd’hui surannée tout simplement parce que je pense que les palestiniens ont perdu la bataille et qu’il n’y aura je pense à échelle humaine, jamais d’État palestinien. On peut s’en réjouir, on peut s’en désoler mais je crois que, comme disait le général de Gaulle, on ne fait pas de politique en dehors des réalités. Et la réalité c’est cette défaite, aggravée encore, par le nouveau rapport de force dans le monde arabo musulman… Mais à priori, le grand conflit au sein du Moyen Orient est entre les chiites et les sunnites, entre l’arc chiite (Iran, Irak, Liban, Syrie) et l’Arabie saoudite, l’Égypte avec les pays sunnites, Maroc, etc. qui sont désormais les alliés d’Israël. Voilà, je pense que c’est la nouvelle donne et l’échec et mate pour le mouvement palestinien qui n’a jamais réussi à vaincre Israël qui s’est défendu valeureusement et qui a vaincu son vieil ennemi… Je ne vois pas un État palestinien naître. Je pense qu’il n’y a plus de rapport de force en la faveur. C’est terminé. »
Puis, il est ensuite interrogé sur le fait que le député Éric Ciotti appelle à reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël et à transférer l’ambassade de France de Tel-Aviv à Jérusalem :
« Je ne suis pas encore dans ce genre de vision. Si Israël estime que sa capitale est à Jérusalem, très bien, c’est eux qui décident et après les pays, petit à petit, vont reconnaître cela. La diplomatie française ne reconnaît pas, avec des raisons plus ou moins bonnes. On sait très bien qu’ils ne veulent pas choquer les pays arabes, le mouvement palestinien, etc. Je pense que la diplomatie française a du retard par rapport à tout ça, à l’allumage par rapport aux faits. »
Nous le voyons ici, Éric Zemmour est influencé par un probable modèle et le positionnement qui fut celui de Donald Trump, lors de sa présidence (affirmation des alliances traditionnelles des États-Unis avec les pays sunnites et Israël ; contournement du conflit israélo-palestinien et de sa non résolution par la création d’un État palestinien, par des accords historiques avec certains pays arabes ; transfert de l’ambassade à Jérusalem…) Par ailleurs, les critiques qu’Éric Zemmour adresse à la diplomatie française sont purement politiques. Car, il n’ignore sûrement pas que la diplomatie française, bien qu’elle tente de s’affirmer aujourd’hui comme un intermédiaire privilégié entre les différentes parties (palestinienne et israélienne), ne peut incarner un contrepoids à la politique américaine.
Mais, en réalité est-ce qu’Israël intéresse Éric Zemmour ? Et, est-ce qu’il s’exprime tant que cela sur ce conflit ? Dans son livre, Étienne Girard raconte qu’Éric Zemmour ne manifeste aucun attachement à Israël. « Ce pays ne m’évoque rien », avance-t-il auprès d’Olivier Rubinstein, ancien conseiller culturel à l’ambassade de France à Tel Aviv, de 2011 à 2016. Et, quand son épouse, Mylène Chicheportich, se rend en vacances à Tel-Aviv, au milieu des années 2010, il ne l’accompagne pas[15].
Éric Zemmour et sa conception stricte de l’assimilation ?
Au fond, Éric Zemmour regrette la disparition de l’Israélite, ce Français attaché à la nation française et juif (mais uniquement) dans la sphère privée.
C’est ainsi qu’il défend une conception stricte de l’assimilation, qui proclame que « Napoléon est notre père, Louis XIV, notre grand-père et Jeanne d’Arc, notre arrière-grand-mère[16] ». Pour Zemmour, l’assimilation, c’est « faire sienne, l’histoire de France, la culture française, les mœurs françaises. Cela veut dire devenir français, s’habiller comme les français, donner un prénom français à ses enfants. Cela… c’est s’assimiler[17] ».
Mais, cette description est incomplète. Fils de rapatriés juifs venus d’Algérie, Zemmour est imprégné de christianisme. Il précise sa pensée dans France catholique :
« Pour devenir français, il faut s’imprégner du catholicisme. Jadis, quand la nation reposait sur la religion, on se convertissait à la foi catholique, de gré ou de force. Aujourd’hui cela repose sur la culture, l’histoire, le passé – ce sont les mots de Renan. On s’imprègne donc de ces valeurs chrétiennes. Par exemple, de la beauté des églises. C’est concret. De l’universalisme chrétien aussi, de la pompe de l’Église, de la laïcité née dans l’Église, de cette histoire, de cette compassion pour les faibles. Même si je m’en méfie… Je suis donc un homme de l’Ancien Testament qui a reçu une culture du Nouveau. Sur l’existence de Dieu je suis dubitatif, je n’en sais rien. N’ayant pas été élevé dans le catholicisme, sans la foi il m’est difficile d’adhérer au Credo. Les rites de mon enfance, c’est autre chose. Quand je veux y replonger, évoquer mes parents défunts, je vais à la synagogue. En revanche, je sens bien que toute ma culture, c’est le christianisme, j’en suis imprégné[18] ».
Ce qui fait dire au portail d’information Fl.24net :
« Il le dit bien: “toute ma culture”. Il y a donc du chrétien dans ce juif, et du patriote dans ce judéo-chrétien. Éric Zemmour est totalement imprégné par la culture occidentale, et sans doute bien plus encore que Xavier Bertrand, Valérie Pécresse ou Marine Le Pen, qui seraient bien incapables de parler de leur spiritualité avec autant de sincérité[19] ».
Mais alors, Éric Zemmour fait-il plus « français que français » ?
C’est un passage mémorable de l’émission diffusée le 5 octobre 2014, « On est pas couché », sur France 2. La journaliste Léa Salamé interpelle le polémiste, au sujet des pages qu’il consacre dans Le suicide français à l’historien américain Robert Owen Paxton[20] et au régime de Vichy qui, à ses yeux, ne pourrait pas être totalement condamnable. Sur le plateau, le ton monte très vite entre Léa Salamé et Éric Zemmour. Puis, elle l’interroge. « Là, cette réhabilitation de Pétain et de Vichy, qu’est-ce qui se passe » ? Visiblement agacé, Éric Zemmour porte la charge sur le livre de Robert Paxton. La journaliste lui demande alors si c’est Pétain qui a sauvé des Juifs ? Le polémiste répond que Philippe Pétain « a sauvé des juifs français » et que « les juifs français ont été sauvés à près de 100%, à 95% ». Mais, il ajoute aussitôt que « sur la base de Paxton, on a expliqué que la France c’était le mal absolu, et que dès que l’État faisait une distinction entre les français et les étrangers, cela nous menait à Auschwitz et donc j’explique que c’est faux et que c’est beaucoup plus compliqué que cela ».
C’est alors qu’à lieu cet échange vif.
– Léa Salamé : Moi je note que, en tout cas, que parfois, j’ai eu le sentiment, chez vous et j’ai eu le sentiment sur ce chapitre-là, plus particulièrement, que vous aimez tellement la France, vous voulez tellement vous le Juif, faire plus goy que goy, faire plus français que français, que vous en arrivez à remettre en cause Vichy, à réévaluer Pétain, là, c’est dangereux.
– Éric Zemmour : Est-ce que vous pourriez éviter la psychanalyse de bazar. Non, mais ce serait bien.
– Léa Salamé : Non, je sais que vous pensez que toutes les femmes et toutes les femmes journalistes font de la psychanalyse de bazar[21]…
– Éric Zemmour : Pourquoi vous me ramenez à mon état de Juif ? Je pourrais monter sur mes grands chevaux et vous dire que c’est antisémite.
– Léa Salamé : Je ne vous ramène pas, je m’interroge.
– Éric Zemmour : Moi je suis un français qui m’interroge aussi. Moi aussi j’ai le droit de critiquer Paxton, ce n’est pas dieu. Il y a des historiens qui le contestent. Il y en a très peu…
– Léa Salamé : Il y en a très peu.
– Éric Zemmour : C’est faux, parce qu’ils sont massacrés, parce qu’il y a aussi des idéologiques dominantes chez les historiens. »
Conclusion provisoire
Comment peut-on vouloir réhabiliter Philippe Pétain ? Douter de l’innocence de Dreyfus ? Déjeuner avec Jean-Marie Le Pen et Ursula Painvin, née von Ribbentrop, fille de Joachim von Ribbentrop, le ministre des affaires étrangères du IIIe Reich, pendu en 1946, qui l’encourage[22] ? S’entourer également de l’avant et de toute l’arrière-garde de l’extrême-droite française et in fine incarner ce courant politique[23] ? Ce « petit juif berbère » n’est-il pas applaudi par les antisémites de notre pays ? Voilà une funeste contradiction, quelque chose qui heurte les consciences, trouble durablement, suscite l’effroi et l’horreur. Mais, que l’on peut expliquer, simplement.
« Zemmour, c’est une expression névrotique du décret Crémieux, analyse le journaliste Georges-Marc Benamou, qui lui aussi vient d’Algérie – mais lui y est né. Éric a besoin d’être accepté par les antisémites. Il est l’idiot utile, au sens hégélien, de l’extrême droite antisémite. L’ironie, c’est que, dans le cas d’espèce, l’idiot utile est un juif brillant qui a du talent[24] ».
Le mot de la fin reviendra alors au philosophe Bernard-Henri Lévy qui, dans un article retentissant écrit :
« Reste que l’ampleur de la vague, l’engouement, l’obscure jubilation à voir cet homme, non seulement profaner son nom, mais devenir le porte-glaive de ce que l’espérance juive a combattu depuis des millénaires, est d’une obscénité insupportable[25] ».
par Marc Knobel
14 décembre 2021Marc Knobel est historien, il a publié plusieurs ouvrages, dont en 2012, L’Internet de la haine (Berg International, 184 pages). Il publie chez Hermann en 2021, Cyberhaine. Propagande, antisémitisme sur Internet.
[1] Étienne Girard, Le radicalisé, enquête sur Éric Zemmour, Seuil, 2021, pp. 189-190.
[2] Anna Cabana, «Éric Zemmour, les Rolling Stones, Dieu et moi », Le Point, 2 octobre 2014.
[3] Étienne Girard, op.cit.
[4] « Interdit d’interdire », RT France, 8 novembre 2021.
[6] Remarquons l’utilisation étonnante de l’expression « religion islamique » qui prête à confusion. Généralement, on parle de religion musulmane.
[7] Abel Mestre et Ivanne Trippenbach, « Éric Zemmour provoque le malaise chez les Français juifs », Le Monde, 25 octobre 2021.
[8] Les Juifs avaient acquis la nationalité française en 1791, mais ils continuaient à vivre en communautés avec leur propre système de justice et leur état civil. L’intention de Napoléon était de transformer leur mentalité et d’assimiler totalement les Juifs, au besoin par des mesures d’autorité. Or, le grand Sanhédrin est son idée. Cette cour suprême juive, créée le 10 décembre 1806, comprenait 71 rabbins et notables. Napoléon venait de leur soumettre une liste de 12 questions dont les réponses devaient permettre d’évaluer l’attachement des Juifs à l’Empire et la comptabilité des lois juives au droit commun. L’éphémère Sanhédrin ne siège que du 9 février au 9 mars 1807. Mais, il ratifie solennellement les réponses de l’Assemblée des notables aux questions posées par l’Empereur et établit avec les membres du gouvernement les principes de l’organisation communautaire. L’Assemblée conclut ses travaux par une déclaration précisant les limites respectives du code civil et les lois religieuses. Voir à ce sujet, Béatrice Philippe, Être juif dans la société française, Éditions Montalba, 1979, pp. 163-175.
[9] Éric Zemmour, Le suicide français, Paris, Albin Michel, 2014, p.260
[10] Les Ashkénazes sont des juifs originaires de l’Europe occidentale, centrale et orientale par opposition à ceux qui sont originaires d’Espagne et sont dits sépharades.
[11] Claude Askolovitch, « Zemmour en kippa, ou le prêcheur pétainiste de la synagogue de la Victoire », slate.fr, 23 juin 2016.
[12] En 1870, Le décret Crémieux (du nom d’Adolphe Crémieux) offre la citoyenneté pleine et entière aux juifs d’Algérie sous réserve du renoncement à la loi mosaïque et à ses prescriptions contraires au droit civil.
[13] Sandrine Schwartz, dans Actualité juive, le 9 juin 2016.
[14] I24news, 3 novembre 2021
[15] Étienne Girard, Le radicalisé, enquête sur Éric Zemmour, op.cit., p.190.
[16] Abel Mestre et Ivanne Trippenbach, « Éric Zemmour provoque le malaise chez les Français juifs », op.cit.
[17] https://www.dailymotion.com/video/x84ehih
[18] https://www.france-catholique.fr/Zemmour-Je-suis-impregne-du-christianisme.html
[19] https://fl24.net/2021/10/06/zemmour-francais-patriote-juif-et-catholique/
[20] En 1973, dans La France de vichy, Robert Paxton évoque la responsabilité de Pétain et de l’État français dans la collaboration avec l’Allemagne nazie et montre les initiatives qui ont été prises par le gouvernement de Vichy pendant l’Occupation.
[21] « Psychologie de bazar », voilà une expression qu’il affectionne tout particulièrement et dont il use et abuse régulièrement, lorsque des journalistes le prennent à partie.
[22] L’information est révélée par Ivanne Trippenbach, dans Le Monde, du 2 octobre 2021.
[23] Voir par exemple et à ce sujet Marc Knobel, « Éric Zemmour et sa parole décomplexée, comme une jouissance », La Règle du Jeu, 16 novembre 2021 ; « Éric Zemmour ou la revanche de Charles Maurras », La Règle du Jeu, 16 octobre 2021 ainsi que « Lorsqu’Éric Zemmour jette le soupçon sur l’innocence d’Alfred Dreyfus », La Revue des Deux Mondes, 22 octobre 2021.
[24] Cité par Anna Cabana, « Éric Zemmour, les Rolling Stones, Dieu et moi », op.cit.
[25] https://www.lepoint.fr/editos-du-point/bernard-henri-levy/bhl-ce-que-zemmour-fait-au-nom-juif-12-10-2021-2447219_69.php
source:https://laregledujeu.org/2021/12/14/37967/eric-zemmour-les-juifs-et-israel/
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