lundi 23 octobre 2023

Antisémitisme, Mélenchon mène la danse.

Après les massacres horribles perpétrés en Israël par les terroristes du Hamas, Madame Yaël Braun-Pivet, Présidente de l’Assemblée nationale, était ce week-end en Israël, pour un voyage de solidarité. Elle était accompagnée d’une poignée d’élus. À 16h49, ce 22 octobre 2023, Jean-Luc Mélenchon qui assiste au rassemblement propalestinien qui se tient Place de la République, à Paris, publie un tweet d’une violence inouïe.

Ce tweet a pour fond les images postées et prises du haut de la statue de la République. La Place de la République est noire de monde, l’on voit des dizaines et des dizaines de drapeaux palestiniens, algériens, tunisiens, turcs, irakiens et d’autres drapeaux de pays arabo-musulmans, qui sont brandis par les manifestants. Ils scandent : « Palestiniens, nous sommes tous des Palestiniens. »

Jean-Luc Mélenchon qui est sur place aurait pu limiter sa correspondance en décrivant l’émotion qui devait régner ici et en marquant une fois de plus sa solidarité avec la cause palestinienne.

Tel n’a pas été son choix.

Il publie le tweet suivant : « Voici la France. Pendant ce temps, Madame Braun-Pivet campe à Tel Aviv pour encourager le massacre. Pas au nom du peuple français ![1] »

Ce tweet éminemment politique désigne nommément et s’acharne personnellement sur une seule et éminente personnalité politique, en Madame Yaël Braun-Pivet, qui est en Israël, à ce moment-là. Jean-Luc Mélenchon, qui n’est pas un néophyte, sait qu’un tweet est une communication politique. Ce tweet, assurément, sera observé à la loupe. Justement, c’est ainsi qu’il va s’illustrer et se différencier, dans le paysage politique. Et, c’est probablement le but recherché par le leader des Insoumis.

Or, ce tweet consiste probablement à racoler une partie substantielle de son électorat. Il caractérise donc la foule présente, « Voici la France », écrit-il. Mais, ce faisant, il oppose ces français (et les étrangers présents) à Madame Braun-Pivet, dont assurément il n’ignore absolument pas l’origine, ce d’autant plus qu’elle ne s’en cache pas. Yaël Braun-Pivet est la « petite-fille d’un juif polonais expatrié à Nancy pour fuir l’antisémitisme des années 1930, la défense de la République et le combat pour la justice sont au cœur de ses valeurs et imprègnent son engagement personnel et professionnel[2] ».

Rappelons que Yaël Braun-Pivet[3] est régulièrement prise pour cible par des antisémites.

Jean-Luc Mélenchon oppose donc celles et ceux, dont il considère qu’ils représentent la France, à cette femme d’origine juive, dont il dit qu’elle « campe » à Tel-Aviv. Puis, il l’accuse « d’encourager le massacre ». Cette accusation est particulièrement diffamatoire et d’une extrême gravité. Elle pointe du doigt une femme qui ne cache pas son origine juive.

Mélenchon sait ce qu’il fait

Insistons sur ces différents points.

1) D’abord, Jean-Luc Mélenchon voit en Israël, le diable réincarné.
2) Ensuite, il est suffisamment instruit et intelligent pour ignorer le poids des mots. Il peut ainsi distiller des allusions perfides.
3) Nous estimons par ailleurs qu’il sait mesurer les conséquences politiques que pourraient avoir la publication d’un tel tweet.
4) Nous ne pensons donc pas qu’il agit dans la précipitation et qu’il ne dispose pas de sa raison.
5) Au contraire, nous pensons qu’il calcule ce qu’il dit, qu’il calcule ce qu’il fait, pour en espérer tirer un avantage politique conséquent. Et rassembler autour de lui les mécontents, mais également les partisans de la cause palestinienne et/ou une partie de l’électorat musulman.

Et, dans ce tweet, nous retrouvons une comparaison insidieuse et des mots, des allusions, un cliché et/ou une imagerie – et pas seulement d’Épinal – qui flirtent dangereusement avec d’innombrables mots qui, dans notre histoire contemporaine, ont opposé insidieusement ou délibérément la France et les Français aux « Juifs » et aux « métèques ».

Et ce sont probablement là quelques recettes qui valent le détour. Ce n’est d’ailleurs pas une première.

Expliquons et racontons.

Un précédent, l’accusation portée contre Pierre Moscovici

En mars 2013, Jean-Luc Mélenchon fait une étrange sortie.

Lors du 3ème congrès du Parti de gauche qui se tient à Bordeaux, il lance que Pierre Moscovici, alors ministre de l’Économie, est un « petit intelligent qui a fait l’ENA, qui a un comportement de quelqu’un qui ne pense plus en français, qui pense dans la langue de la finance internationale ». Cette attaque ad hominem est courte certes, mais elle est extrêmement violente. Mélenchon vise nommément quelqu’un précisément (et personne d’autre) dont il pense être le représentant de l’européisme en France.

Mais, justement, pourquoi lui et pas un autre ?

Aussitôt dit, aussitôt fait, la polémique éclate. Choqué, Harlem Désir demande immédiatement au coprésident du Parti de gauche de « retirer » ses accusations « inacceptables » et ce « vocabulaire des années 30[4] »

Dans la foulée, Pierre Moscovici, blessé, réagit. Jean-Luc Mélenchon « est en train, par détestation de la social-démocratie, par détestation du parti socialiste, de franchir certaines bornes ». « Il y a des choses auxquelles on ne touche pas », dit le ministre lors d’une émission sur Canal+, avant d’ajouter, le ton grave : « Chacun a son histoire. Moi j’ai la mienne. Je suis d’une famille où mes quatre grands-parents étaient étrangers. Mon père a été déporté. Et cette famille, elle a choisi la France. Je suis Français par tous mes pores. Je défends la France. Je ne raisonne pas finance internationale[5] ».

La réponse est aussi fulgurante que cinglante.

« J’ignorais quelle était la religion de Pierre Moscovici et je n’ai pas l’intention d’en tenir compte dans l’avenir, pas davantage que dans le passé », se défend Jean-Luc Mélenchon, lors du meeting de clôture du congrès.

Qui peut raisonnablement le croire ? « Mais si un jour, parce qu’il est juif », Pierre Moscovici était menacé, « il nous trouverait tous, comme un seul corps, pour le défendre », ajoute-t-il habilement sous les applaudissements de la salle. Une formule rapide et à l’emporte-pièce qui ne mange pas de pain. Puis, Mélenchon déclare quelques minutes plus tard aux journalistes que « Harlem Désir instrumentalise l’antisémitisme et de façon insupportable. »

Il n’empêche, les réactions se succèdent, notamment celles de plusieurs ministres, Manuel Valls, Arnaud Montebourg ou Nicole Bricq condamnant successivement les déclarations de Mélenchon. Pour la ministre de l’Environnement, Cécile Duflot (EELV), le co-président du PG « n’est pas antisémite » mais « il flirte avec le dérapage à chaque instant, notamment sur les questions de nationalisme ».

Cécile Duflot voit juste, Mélenchon flirte avec le dérapage à chaque instant, c’est même une constante chez lui.

Conclusion provisoire

Plus c’est gros, plus cela heurte, plus cela passe.

Le buzz, faire du buzz, voilà une des armes de l’insoumis. Justement, lors de son échange avec les journalistes, quand on l’interrogeait en 2013 sur l’écart qui sépare encore le Front de gauche de celui de Marine Le Pen et du RN, Mélenchon a cette réponse caractérisée et assumée, « le vent souffle dans nos voiles tant que vous la diabolisez, et que vous me diabolisez… ». Alors ? Jean-Luc Mélenchon fait parler de lui, provoque le scandale.

Seulement voilà, les positions affirmées de Mélenchon, les mots abruptes, les qualifications violentes, la raideur dans le positionnement, le fond idéologique de cet ancien lambertiste, qui prône systématiquement l’affrontement afin de provoquer la révolte (ou une révolution ?), provoque ENFIN le désarroi à gauche. Il était temps. Quant aux Juifs de France, qui savent mieux que quiconque décrypter l’antisémitisme, ils verront dans ce tweet, une illustration supplémentaire de l’antisémitisme de Jean-Luc Mélenchon ou d’un antisémitisme qu’il sait instrumentaliser à des fins politiques. 

 

Source : https://laregledujeu.org/2023/10/23/39723/dun-tweet-melenchon-actionne-lantisemitisme/


[1] https://twitter.com/JLMelenchon/status/1716104403076190592

[2] https://presidence.assemblee-nationale.fr/president/biographie

[3] Très émue, sur France Inter, ce 23 octobre, Yaël Braun-Pivet déclare « certains cherchent la division alors que la France c’est les Lumières, la fraternité et la solidarité entre les peuples. Certains soufflent sur les braises de façon incessante et méprisante. Monsieur Mélenchon n’a sans doute pas choisi par hasard le mot “camper” !… »

[4] Europe 1, 25 mars 2013.

[5] Le Monde, 24 mars 2013.

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