Cela faisait plus de deux ans que les gendarmes de l’Office de lutte contre les crimes contre l’humanité et les crimes de haine (OCLCH) le traquaient. Le négationniste français Vincent Reynouard, qui vivait en exil au Royaume-Uni depuis 2015 pour échapper à plusieurs peines de prison prononcées en France, va être extradé. Il avait été arrêté à Anstruther, près d’Edimbourg, le 13 novembre 2022 après plusieurs mois de cavale, où il était depuis incarcéré dans l’attente de la décision. La cour de justice écossaise a finalement confirmé son extradition vendredi 26 janvier après une longue bataille judiciaire dans laquelle le Français a épuisé tous les recours possibles.
Complicités dans les milieux néonazis
Depuis la mort de son maître à penser Robert Faurisson en octobre 2018, Vincent Reynouard est considéré comme le nouveau pape du négationnisme français. Ancien professeur de mathématiques, il avait été révoqué de l’éducation nationale en 1997 pour avoir stocké? dans l’ordinateur du lycée d’Honfleur (Calvados) où il exerçait? des documents niant la Shoah. Dans la foulée, il avait publié un brûlot intitulé le Massacre d’Oradour au sous-titre évocateur : «Un demi-siècle de mise en scène». Il y niait le massacre perpétré par la Waffen SS contre les habitants du village de Haute-Vienne, le 10 juin 1944. Il y reprenait à son compte la thèse négationniste émise après la guerre par Otto Weidinger, ancien officier de la «Das Reich» mais non présent à Oradour le jour du massacre, imputant la mort des martyrs du village à la Résistance locale et non aux soldats du sinistre ordre noir. Ouvertement «national-socialiste», Reynouard multiplie les condamnations notamment pour «contestation de crimes contre l’humanité», jusqu’à, fait rarissime, être incarcéré en 2010 à la prison de Valenciennes (Nord) après une rocambolesque cavale en Belgique où il a bénéficié de complicités dans les milieux néonazis.
Sorti de prison en 2011, il finit par être de nouveau rattrapé par la justice. Au point que, en 2015, il s’exile à Londres où il officie comme professeur particulier de mathématiques et continue de répandre ses idées délétères à travers des livres et sur Internet. Reynouard reste néanmoins hors de portée de la justice française. Jusqu’à ce que l’OCLCH se penche sur son cas en 2020 après la création de son pôle dédié à lutter contre les crimes de haine, en particulier les actes racistes, antisémites, antireligieux ou LGBT-phobes (DLCCH). Car Reynouard reste une référence chez les négationnistes : son nom apparaissait en août 2020 sur un tag tracé à l’entrée du mémorial d’Oradour-sur-Glane avec d’autres inscriptions niant le martyr du village. En 2021, il figurait également – seul Européen – dans la liste des bénéficiaires d’une fortune léguée par un mystérieux Français à des figures de la sphère évoluant à la croisée du suprémacisme, de l’antisémitisme et du complotisme.
Condamnation définitive
Si le délit de «négationnisme» n’existe pas dans le droit britannique, les gendarmes français avaient émis un mandat d’arrêt international sur la base de la non-exécution d’une peine d’un an d’emprisonnement après une condamnation définitive par la cour d’appel de Caen, datant de 2015. Dans des vidéos de 2014, Reynouard avait déclaré que les commémorations du 70e anniversaire du débarquement en Normandie relevaient de «la propagande» et de nouveau nié l’existence des crimes contre l’humanité du IIIe Reich. Des propos évidemment tenus en récidive.
Sous l’impulsion des services français, l’étau se resserre. En octobre 2021, la police britannique se présente au domicile du fugitif, dans la banlieue de Londres pour l’appréhender mais il parvient à s’échapper. Une nouvelle cavale démarre. Dans un témoignage cité par le torchon antisémite Rivarol, Reynouard, traqué, avoue être au plus bas et se nourrir de seules céréales malgré l’aide de sympathisants. Il sera finalement interpellé plus d’un an plus tard en Ecosse où il était caché sous une identité fictive. Son arrestation avait provoqué une vague de sympathie à l’extrême droite. De nombreuses personnalités de la mouvance, comme Alain Soral ou Yvan Benedetti, l’avaient assuré de leur soutien. Ils pourront désormais lui envoyer des oranges en France.
par Pierre Plottu et Maxime Macé, le 27 janvier 2024
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